lundi 2 novembre 2015

Modeste contribution à l'indexation des Morts pour la France

Après avoir assisté aux premiers Matins malins de la saison, consacrés au site Mémoire des Hommes et au défi lancé par Jean-Michel Gilot, #1Jour1Poilu, je me suis laissée convaincre.

Le défi 1Jour1Poilu

Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il retourne, il s'agit d'indexer les fiches mises en ligne sur le site Mémoire des Hommes. Élaborées au lendemain de la Première Guerre mondiale par l'administration des anciens combattants, elles recensent les centaines de milliers de soldats et avec eux les quelques centaines de civils qui ont obtenu la mention "Mort pour la France".

L'ensemble représente plus de 1 325 000 fiches. Jusqu'à présent, les recherches ne pouvaient se faire que sur quatre critères : nom, prénom, date de naissance et département (ou pays) de naissance.

L'enjeu consiste à indexer treize autres rubriques à partir des informations figurant sur la fiche : grade, unité, lieu de naissance, bureau de recrutement, classe, matricule de recrutement, date, lieu, département et pays de décès, lieu, département et pays de transcription du décès. Il est évident qu'une base de données ainsi enrichie permettra une approche beaucoup plus fine, aussi bien pour les historiens que pour les généalogistes.

Le défi consiste à terminer l'indexation pour le 11 novembre 2018. Cela représente moins de mille fiches par jour à traiter, rien d'insurmontable donc, compte tenu du nombre de personnes intéressées par le sujet. Si chacun n'indexe que quelques fiches… bon, je ne vous fais pas le coup des petits ruisseaux qui font de grandes rivières, mais vous avez compris.

Comment s'y prendre

Je me suis donc lancée. J'ai commencé par traiter les fiches des quatre personnes figurant dans ma base de données Heredis, qui ont eu droit à cette mention "Mort pour la France" : un ami de mon grand-père maternel (il était témoin à son mariage), l'un des grands-oncles de mon mari, ainsi que deux autres individus rencontrés au fil de mes recherches. Histoire de tester la difficulté de l'opération. Cela ne m'a pris que quelques minutes.

J'ai donc décidé d'en faire davantage. En commençant par l'un des villages de mes ancêtres, le berceau de ma branche paternelle, même si mes ancêtres directs l'ont quitté dès le milieu du XIXe siècle pour venir s'installer à Paris. Il s'agit de Notre-Dame-du-Touchet, dans le sud du département de la Manche.

Collection personnelle

Collection personnelle

J'avais à l'occasion photographié le monument aux morts, mais il m'a paru plus judicieux, dans un premier temps, de travailler à partir du livre d'or rédigé par la commune. Ces livres d'or, instaurés par la loi du 25 octobre 1919 et établis pour la plupart dans la décennie qui a suivi, sont disponibles sur le site des Archives nationales.

Je choisis l'onglet "Recherche multicritères", puis "Rechercher dans tous les inventaires" et, dans "Recherche libre", je tape "livre d'or Notre-Dame-du-Touchet". J'obtiens un résultat, je clique dessus, je clique ensuite sur "Consulter les archives numérisées associées" et bingo ! me voici enfin devant un document de douze pages.

Il s'agit de la liste des morts de la commune, classés par ordre alphabétique, avec indication de leur nom et prénoms, date et lieu de naissance, régiment et grade, date et lieu de décès.

Ils sont quarante. La dernière page comprend en outre une liste de cinq noms griffonnés au crayon bleu, puis biffés. En comparant avec la liste du monument aux morts, je m'aperçois que ces derniers, absents du livre d'or, sont néanmoins gravés dans la pierre. A contrario, trois noms du livre d'or ne figurent pas sur le monument aux morts, sans doute parce qu'ils ont été inscrits sur le monument d'une autre commune.

À partir de là, j'ai appelé l'un après l'autre les noms du livre d'or et j'ai indexé les fiches correspondantes, sans trop de difficultés. Néanmoins alertée par un billet paru sur la plateforme En Envor, j'ai procédé à quelques vérifications :

  • La date et le lieu de naissance, du moins pour ceux qui ont vu le jour avant 1893, les registres d'état civil de la Manche n'étant en ligne que jusqu'en 1892 ;
  • Le bureau de recrutement et le numéro matricule, en consultant les fiches matricules en ligne, qui comprennent tout le parcours militaire des hommes appelés à se présenter au conseil de révision avec leur classe d'âge ;
  • La date et le lieu du décès figurant sur la fiche matricule, a priori plus fiable que la fiche Mort pour la France rédigée ultérieurement.

 Travailler à partir du livre d'or d'une commune présente en outre un intérêt certain. Les personnes y sont généralement nées et, si elles y habitaient encore lors de leur vingtième année, elles relevaient du même bureau de recrutement. C'est un gain de temps appréciable pour les vérifications dans les archives. C'est sans doute moins vrai dans les grandes villes, mais comme j'ai choisi un village du bocage normand…

Quelques réflexions

Ce simple travail d'indexation permet de toucher du doigt la douloureuse réalité de cette Première Guerre mondiale. Quarante soldats morts pour la France dans un village qui comptait à peine plus d'un millier d'habitants avant le conflit, c'est considérable.

La victime la plus jeune figurant sur le livre d'or de Notre-Dame-du-Touchet appartenait à la classe 1918 ! Il s'agit de Victor Mari, né le 24 février 1898 ; il avait donc seize ans à peine lors de la déclaration de guerre et vingt ans lorsqu'il fut tué à proximité de Saint-Quentin, en octobre 1918, un an après son incorporation.

Les deux victimes les plus âgées, Paul Dibon et Émile Dibon (non, ils ne sont pas frères, j'ai vérifié), étaient nées respectivement en 1872 et 1873. Paul Dibon est mort en 1915, à quarante-deux ans, à l'hôpital de Bourbourg (Nord) et Émile Dibon en 1918, à quarante-cinq ans, à celui de Cherbourg.

La vérification des actes de naissance, lorsqu'elle est possible, apporte un élément supplémentaire : les mentions marginales indiquant les mariages. J'ai une pensée (un peu tardive, je vous l'accorde) pour toutes ces jeunes veuves…

La suite

Les différences entre le monument aux morts et le livre d'or ont piqué ma curiosité. J'ai jeté un œil sur le livre d'or d'une commune voisine, Villechien : il comprend une vingtaine de noms, dont un figurant sur le monument aux morts de Notre-Dame-du-Touchet. Je vais donc continuer à indexer ces fameuses fiches, en élargissant le cercle de mes investigations.

2 commentaires:

  1. Bravo de t'être lancée, et bravo pour ce billet très clair, qui pourra aider les nouveaux indexeurs. Indexer, c'est effectivement toucher du doigt l'impact de cette guerre, qui a fortement marqué notre territoire et notre histoire

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  2. Grâce aux indications du billet, j'ai enfin pu trouver les livres d'or !
    et je viens de m'inscrire pour des indexations des poilus de ma famille
    avec aussi l'idée d'élargir à certains villages-souches

    Fanny-Nésida

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