lundi 19 octobre 2015

Un certain désenchantement

Depuis quelques semaines, je sens poindre un sentiment mitigé chez mes amis généablogueurs : "triste constat", "en manque de motivation", "grand bazar généalogique", "faire le ménage dans son logiciel", "crise existentielle d'une blogueuse en panne d'inspiration"… les titres des billets sont éloquents !

Et je ne dis rien de celles et ceux qui se sont tus, provisoirement, je l'espère. Ici, clin d'œil appuyé à Nicole ou à Gloria, par exemple.

Que se passe-t-il ?

À mon avis, plusieurs phénomènes se conjuguent pour créer un certain désenchantement. L'automne, tout d'abord : fin des vacances, reprise du traintrain quotidien, chute des feuilles (y compris celles des impôts), apparition des brumes matinales, luminosité en baisse, retour de la froidure et de la pluie, journées qui raccourcissent, tout se conjugue pour nous mettre le moral en berne. Déprime saisonnière, paraît-il. Bon, cela devrait passer ; et avant le printemps, je l'espère.

Après-midi d'hiver aux Tuileries
Collection personnelle

Sentiment d'overdose, ensuite : les innombrables parutions liées au centenaire de la guerre de 1914-1918, le challenge AZ, les généathèmes du mois, tout cela est fort respectable et souvent même passionnant (attention, ne me faites pas dire le contraire), mais cela représente des centaines, voire des milliers de pages à lire… et grignote insidieusement le temps imparti à nos loisirs. Là, je ne vois guère de solution, à part une sélection rigoureuse, mais qui dit choix, dit aussi renoncement. Difficile, donc.

Autre raison, peut-être plus profonde : faute de mots plus appropriés, je la qualifierai de fin de cycle. Je m'explique. Tout sourit au généalogiste débutant. Il survole les registres, butine d'un ancêtre à l'autre, remonte parfois plusieurs générations en quelques heures, collectionne les découvertes inattendues. Tout lui fait miel : les patronymes de ses aïeux, leurs prénoms désuets, leurs métiers parfois disparus, les lieux-dits aux noms poétiques, les carambolages avec l'Histoire majuscule…

J'ai connu cette excitation. Les départements mettaient leurs archives en ligne au fur et à mesure de mes besoins (sauf les Hautes-Pyrénées et le Gers, hein, il ne faut pas rêver quand même). Les alertes Geneanet me fournissaient de nouvelles pistes quasiment chaque semaine et les ancêtres répertoriés dans ma base de données augmentaient de façon prodigieuse. Normal, sauf accident de parcours, leur nombre double à chaque génération, me direz-vous. Si, en plus, vous cherchez à compléter les fratries, si vous répertoriez les parrains, les marraines et les curés, si vous vous intéressez aux collatéraux et aux familles alliées, vous dépassez un jour la dizaine de milliers d'individus ! Et vous commencez à trouver que cela fait vraiment beaucoup de monde…

Mais à trop remonter le temps, l'élan initial finit par s'épuiser. Les "nouveaux" ancêtres se font plus rares. Les arbres ne grimpent pas jusqu'au ciel, ont l'habitude de dire les financiers. C'est également vrai pour les généalogistes. Un jour, vous touchez du doigt un plafond de verre. Pour ceux dont les ascendants habitaient déjà dans la campagne française sous l'Ancien Régime, je situerai le risque de blocage vers le début du XVIIe siècle ou, avec beaucoup de chance, à la toute fin du XVIe. Cela permet d'étoffer l'arbre généalogique jusqu'à la douzième ou la treizième génération, avec quelques maigres feuilles au-delà, mais ensuite cela se complique bigrement.

J'ai peut-être atteint ce stade car il m'arrive aussi, certains matins, de m'interroger devant ma base de données. Par quel bout la prendre ? que faire d'utile et d'intéressant aujourd'hui ? comment progresser dans la connaissance de mes ancêtres ?

Un jour de janvier dernier, j'ai donc ouvert le classeur vert dans lequel je rangeais les feuilles imprimées lors des alertes Geneanet et j'ai inventorié 38 fiches à exploiter. Recherches en ligne, transcription des actes, correction d'erreurs, annotations diverses : à la mi-mai, j'en avais fini avec cette tâche et j'avais saisi dans Heredis plus de 440 nouvelles sources ! Engrangeant au passage quelques sujets d'articles pour le blog.

J'ai également fait un sort à un dossier intitulé "Copies d'actes à enregistrer" qui traînait sur mon bureau depuis… pfff ! Et j'ai parcouru les deux premiers tomes de mon journal de recherches, afin de recenser les points restés en suspens. De quoi m'occuper jusqu'à la fin de l'année, sans doute. Bref, je fais le ménage. Il n'empêche, le temps est peut-être venu de réfléchir à de nouvelles orientations…

J'y reviendrai la semaine prochaine.

14 commentaires:

  1. Excellent article où beaucoup se reconnaîtront. Osera-t-on vous demander des suggestions pour la suite du travail généalogique ?

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    1. Je m'interroge… et j'espère apporter quelques réponses lundi prochain !

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  2. J'ai aussi noté ce désenchantement, et j'en fais aussi partie.
    Le problème est que nous sommes comme des gamins dans un magasin de bonbons. Nous voulons tout, tout de suite, nous nous gavons, jusqu'à l'overdose.
    Mieux vaut picorer, s'écouter et choisir telle ou telle saveur selon l'envie du moment (ménage des sources, travail de fond sur un patronyme, approfondissement de l'histoire locale, ...)
    Nous nous mettons une pression pour écrire tant d'articles, lire tous les blogs, avoir les 10 générations complètes, etc. Et nous oublions qu'il s'agit d'une passion. Elle doit être et rester un plaisir, un jeu. Si le jeu tel que nous le connaissons et pratiquons ne nous enthousiasme plus, pourquoi ne pas changer quelques règles ? L'amusement reviendra !

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    1. Parfois, il suffit de peu de choses, une mention dans un acte, un lien dans Geneanet, et hop ! c'est reparti pour un tour.

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  3. Je fais partie de ceux qui ont beaucoup moins écrit cette année. J'ai renoncé à participer au challenge et, je dois l'avouer, j'ai même été rebutée par le nombre au moment de lire les participations des uns et des autres. Il faut laisser les choses aller à leur rythme. Je lirai attentivement les pistes qui seront suggérées la semaine prochaine...

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  4. J'attends également ces pistes avec espoir ! Je me reconnais beaucoup dans cet article... J'ai également beaucoup réfléchi ces derniers temps, mais je ne suis pas désespérée, nous trouverons tous, j'en suis sûre, un "second souffle"...

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  5. Tu as touché du doigt un problème qui concerne beaucoup d'entre nous, semble-t-il. C'est la même chose dans d'autres disciplines, comme par exemple l'apprentissage d'une langue. Je me souviens de mon enthousiasme au début de mes études de japonais : première année aux Langues-O, nous étions 120 le premier jour et... moins d'une vingtaine en fin d'année ! J'ai eu ensuite des passages à vide, des paliers, l'impression de régresser, d'oublier au fur et à mesure les caractères... Et puis, c'est reparti ! Avec un oeil nouveau et encore plus d'enthousiasme. Pour la généalogie, c'est la même chose. Je m'y remettrai dans quelque temps, avec une nouvelle énergie. Après mon voyage au Japon : on ne peut pas tout faire en même temps ! A bientôt !

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    1. J'ai confiance, je suis sûre que tu vas revenir du Japon gonflée à bloc !

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  6. Dans ce monde d'addictions, la généalogie n'échappe pas aux sollicitations multiples, auxquelles il est parfois difficile de ne pas répondre, et au moins difficile de ne pas prêter l'oreille. Ce brouhaha amuse, intéresse mais distrait.Sur ces nombreux sujets, parfois j'ai une impression de déjà dit, déjà vu. La durée de vie d'un livre, d'un film n'est aujourd'hui que de quelques semaines, la durée de vie d'un article de blog, tient en un matin sur twitter... Heureusement, l'historique des consultations montre que le blog reste une ressource, et une source d'étonnement, pour qui sait chercher, dans ce qui a déjà été écrit.
    ça reviendra. En attendant, j'ai ouvert un blog bibliothèque, on y bavardera peut-être, pour l'instant, c'est un catalogue, donc une ressource et c'est déjà pas mal.
    Amitiés.

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    1. Merci, Gloria, pour ton commentaire. Peut-être pourrais-tu nous donner l'adresse de ton blog bibliothèque ?

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  7. La dispersion est pour moi une obligation. Tant qu'elle reste limitée.
    De me dire: allez, pendant 3 mois, je ne fais QUE ma généalogie m'épuise par avance. Car je sais que je vais enquiller des dates, des noms et des lieux. En tout cas, le ressentir comme tel.
    Alors que si je me dis que je vais m'éparpiller volontairement entre ma généalogie, de l'aide sur les outils, une indexation pour le compte d'une association, je sais que je vais pouvoir papillonner de l'un à l'autre au gré de mes envies. Sans contrainte.

    Je suis parti bille en tête sur mon objectif G10 (en même temps, j'ai aussi traité les cas les plus faciles). Mais au bout d'un mois, l'envie a baissé. D'où mon souhait de me lancer sur l'indexation des MPLF. Que je vais traiter en dent de scie durant 3 ans, je le sais bien.
    C'est ma façon d'avancer et elle me va bien pour le moment.

    Après, certains soirs, je n'ai pas envie d'allumer le PC. Dans ce cas, jamais d'obligation, il reste éteint bien sagement. Et généralement, cela ne dépasse que rarement 2 ou 3 jours.

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  8. Tout est très bien dit, je reconnais là la pertinence de l'auteur...e ? je ne m'habitue pas à ces nouvelles règles orthographiques...

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    1. Moi non plus. Et je déteste tout particulièrement le terme "écrivaine" !

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    2. Il y aurait beaucoup à dire sur ces nouvelles orthographe qui, à mon avis, aboutissent à un résultat inverse de celui visé : si j'écris "Colette est une grande auteure", je rappelle que Colette est une femme et pas un homme, j'attire l'attention sur son sexe, alors que je ne voulais parler que de ses qualités littéraires.
      On oublie aussi qu'il y a des mots féminins pour désigner des fonctions masculines : la sentinelle, la vigie, l'estafette, l'ordonnance (de l'officier)...

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